Certains visages historiques de la matinale de France 2 dénoncent une ambiance exécrable. La direction tente d’éteindre l’incendie.
Chemise noire, veste en cuir noire, bustier noir, robe noire. Fin septembre, la majorité des chroniqueurs de la matinale de France 2 n’ont porté que des tenues noires à l’antenne. Et ce n’est pas un hasard. « C’était un acte symbolique pour marquer la fin d’une époque », déplore une journaliste, très affectée. « Nous avons voulu témoigner notre soutien et notre tristesse envers ceux qui ont été contraints de quitter l’émission », ajoute une autre.
Une manifestation de « deuil » inédite qui a échappé au présentateur Laurent Bignolas, en poste depuis deux saisons. « Il n’a pas compris pourquoi on s’habillait de la sorte et nous a dit que ça ne ferait pas une ligne dans le Canard enchaîné », rapporte un membre de l’équipe.
En tout, onze chroniqueurs historiques, dont Brigitte-Fanny Cohen, Anissa Arfaoui, Sarah Doraghi ou encore Marie Mamgioglou et Jean-Philippe Viaud, ont disparu de l’antenne depuis le 30 septembre, date de la fin de leur collaboration avec le service public. Le résultat de longs mois d’incertitude pour la quarantaine de visages de « Télématin », dont la production a été confiée cette saison à France Télévisions Studios, une filiale du groupe, afin d’en réduire les coûts. Libre à eux d’accepter un CDI, après des années de CDD cumulés, mais avec 20 à 40 % de réduction de salaire, une affectation aléatoire dans l’entreprise et zéro négociation possible. Ou option 2 : prendre la porte.
«Certains sont sous antidépresseurs»
« En signant ce contrat, on pouvait très bien se retrouver sur la chaîne info ou juste sur le site web, alors qu’on a travaillé pendant plus de vingt ans pour Télématin », précise une des personnes concernées, qui ne sait toujours pas où elle va être affectée. « On a vécu l’enfer, rapporte un autre chroniqueur. Dans ce dossier, il y a vraiment eu de la maltraitance de la part de la direction. On nous a reçus cinq minutes en ne sachant même pas ce qu’on faisait à Télématin. C’est du mépris total. Certains sont sous antidépresseurs. »
La direction se veut pourtant rassurante : « Le CDI proposé, c’est pour Télématin. Ce n’est pas notre intérêt d’envoyer tout le monde ailleurs, affirme Patrick Charles, directeur des magazines de France Télévisions. Ce sont les chroniqueurs qui ont instauré cette fidélité avec les téléspectateurs. »
Et d’assurer : « On a l’impression qu’il y a une hémorragie à Télématin et qu’on est en train d’éteindre l’émission ! Mais non : les figures sont là, on est en ordre de marche. » Des propos suffisants pour mettre fin à un profond malaise, malgré des audiences stables (autour de 26 % de PDA) ?
Les prud’hommes saisis
En interne, certains dénoncent le changement de stratégie de l’émission, qui mise dorénavant surtout sur l’actualité, avec un flash info en plus à 8h30. « BFMTV essaie de nous copier, et nous, on se BFMise, regrette une de ses journalistes. D’ailleurs, Laurent Bignolas souhaiterait lancer lui-même les sujets et avoir le moins de chroniqueurs possible. Ils sont en train de nous éliminer. »
Dans ce dossier classé ultrasensible, le présentateur est au centre de toutes discussions. « Il n’a rien fait pour nous défendre alors qu’il est représentant CGT du personnel. Cherchez l’erreur ! » tacle une ancienne collègue, qui a saisi les prud’hommes, comme plusieurs collaborateurs ou ex-collaborateurs réguliers de cette quotidienne.
France Télévisions soutient Laurent Bignolas
Contacté, Laurent Bignolas n’a pas souhaité nous répondre. « Il faut rappeler qu’il a été très mal reçu à son arrivée par une partie de la rédaction », nuance un de ses proches. « Laurent est en place depuis deux saisons et nous donne entière satisfaction, ajoute Patrick Charles. Le groupe France Télévisions le soutient à plein. » Ce qui n’est pas le cas de toute son équipe.
« On sourit à l’antenne parce qu’on est pro et qu’on aime cette émission, mais le climat est très pesant », confie une chroniqueuse rescapée. « On l’a tous entendu dire que tel ou tel sujet était ringard alors qu’on venait le défendre en plateau ou que c’était une émission pour Ehpad (NDLR : maison de retraite médicalisée) », rapporte une autre.
Pour jouer l’apaisement, la direction s’est également déplacée sur le tournage en fin de semaine. Laurent Bignolas, lui-même, a multiplié les allers-retours entre le plateau et la loge des chroniqueurs, jeudi dernier. « Ce qu’il n’a jamais fait en deux ans, glisse une ancienne chroniqueuse. On a pu critiquer William Leymergie, mais à côté de Laurent Bignolas, c’est un enfant de chœur. »