Dans le cadre du projet de transfert de salariés de FTV SA vers FTV Studio, la direction a envoyé un courrier aux salariés concernés. Décryptage

Dans le cadre du projet de transfert de salariés de FTV SA vers FTV Studio, la direction a envoyé aux salariés concernés, un courrier sensé expliquer les bien-fondés et les bienfaits de ce projet.

Décryptage :

Avec le blog CGC des Media – 11/10/21 à 11h21

La lettre commence ainsi, histoire de la jouer corporate :

1°) « Comme vous le savez le groupe France Télévisions est engagé depuis plusieurs années dans une dynamique de transformation de son organisation et de ses activités. »

Il n’y a ni dynamique de transformation, ni transformation de l’organisationà part à penser que les plans de départs en seraient synonymes… ce qui n’est bien entendu pas le cas.

D’autre part, cela fait plusieurs années que la quasi-totalité des investissements sont gelés avec des régions exsangues où les productions comme les matériels ont fondu, année après année… même sort pour les territoires et départements d’Outre-mer mais plus largement dans tout le groupe.

Les sommes exorbitantes qui ont été débloquées l’ont été pour la plateforme de VOD Salto qui affiche une perte de 93 millions d’euros en 2021, qui s’ajoute à une perte d’exploitation de près de 25 millions d’euros en 2020,  ce qui faisait dire récemment au sénateur LR Roger Karoutchi qui s’interrogeait dans un récent rapport sur le bienfondé de l’investissement de France Télévisions dans la plateforme de vidéo à la demande, principalement axée sur la TV de rattrapage : « Il y a fort à craindre que Salto soit à terme synonyme d’échec avec pour l’heure, seulement une cible modeste de 40 000 abonnés ».

La chaîne info et son canal 27 depuis 2015 pour quelques dizaines de milliers de téléspectateurs et une audience toujours aussi confidentielle mais qui faisait se réjouir ainsi, à la conférence de rentrée, Laurent Guimier le directeur de l’Info du groupe : « franceinfo: qui fête ses 5 ans est déjà à 0,7% »… dernière, loin derrière les autres chaines d’infos en continu de la TNT.

2°) « Ce projet vise à conforter la place du service public comme premier média de tous les français (sans majuscule NDLR) dans un environnement qui ne cesse de se transformer, que ce soit avec l’accélération numérique qui touche directement nos métiers ou avec la mondialisation de la concurrence consécutive à l’arrivée des plateformes et à la naissance de grands groupes de production. »

Faudrait-il encore que France Télévisions soit premierce qui loin d’être le cas. Malgré les communiqués incessants de la direction qui le clament en permanence haut et fort, cela n’en fait une vérité.

Comme si cela ne suffisait, les mêmes poncifs éculés entendus depuis des années et des années vont s’enchaîner : « l’accélération numérique… l’environnement qui ne cesse de se transformer… la mondialisation de la concurrence… l’arrivée des plateformes »

C’est vraiment prendre les lecteurs pour des femmes et des hommes incapables de réfléchir.

3°) « Dans ce monde qui bouge, notre ambition est d’avoir les meilleures offres d’information et de programmes, en portant haut les valeurs et l’exigence du service public. Nous comptons pour cela sur la mobilisation de l’ensemble des salariés du groupe France Télévisions qui ont fait la preuve depuis de nombreuses années de leur capacité à toujours porter collectivement et avec fierté la force du service public ».

Au cas où le lecteur n’aurait pas gobé les âneries qui précèdent, il fallait ici lui en remettre une louche…

Vous reprendrez bien un peu de mondialisation avec tout « ce monde qui bouge »… et en dessert, on leur sert quoi ? Un doigt de ridicule et chimérique « patriotisme de groupe ».

C’est à en avoir la nausée avant la fin du repas !

Tout ceci viole ni plus, ni moins, « le principe d’unicité définissant la société unique France TV »  ainsi que précisé dans la loi n°2009-258 du 5 mars 2009 qui précise entre autres que « La société France TV est une entreprise unique nationale de programmes et elle a la charge de concevoir ces programmes »certainement pas de les transférer dans une pseudo filiale (en réalité une SAS qui ne répond à aucune des obligations fixée par le Législateur).

4°) « Nous nous appuyons ainsi sur la diversité des métiers et expertises présents dans nos entreprises et qui, rassemblés autour d’un idéal commun, font la richesse de notre groupe. Depuis 2015, nous sommes notamment engagés dans le renforcement de notre activité de production interne, qui a connu un développement sans précédent au sein de France Télévisions Studio, que ce soit en fiction avec Un Si Grand Soleil ou avec le lancement de CultureBox ou de Lumni ».

Rebelote… 3ème couche ! Les 2 premières n’étaient pourtant pas vraiment sèches.

Des lieux communs en veux-tu, en voilà que rien n’étaye évidemment … Du vent, c’est tout avec un peu de poudre aux yeux tout de même !

« L’idéal commun qui ferait la richesse du groupe » c’est se ficher du monde ! 

Quant à faire avaler que la « production interne » c’est l’activité de la filiale « France Télévisions Studio » c’est un mensonge sans nom. La « production interne » c’est le volume de production que France Télévisions, entreprise unique, a pour obligation de produire selon les dispositions de la loi n°2009-258 du 5 mars 2009 et surement pas celui de la filiale contrairement à ce que les deux auteurs du courrier assènent sans vergogne !

Et ça continue encore et encore…

5°) « En tant que salarié contribuant à la production de l’émission Des Racines et Des Ailes, vous participez depuis de nombreuses années à nos activités de production interne. Comme vous le savez, nous avons présenté cette année un projet de regroupement de nos activités de production au sein de France Télévisions Studio, par le transfert à cette filiale de nos émissions produites en interne au sein de France Télévisions. Ce projet de renforcement et de développement des activités de production du groupe, au cœur de votre métier, dessine une organisation plus solide et cohérente, au service de nos ambitions dans le domaine de la production audiovisuelle. Conformément aux exigences de la loi, ce projet a d’abord été soumis aux instances représentatives du personnel et sera désormais effectif au 1er Janvier 2022. »

Les deux auteurs du courrier pour tenter de donner un caractère légal à ces transferts font référence à la loi « Conformément aux exigences de la loi, ce projet a d’abord été soumis aux instances représentatives du personnel »

Tout d’abord, ce n’est pas en soumettant 1, 5 ou 10 fois un texte ILLÉGAL à quiconque que cela le rendra légal !

Ensuite, « Ce projet n’est pas destiné au renforcement et au développement des activités de production du groupe, au cœur des métiers de France Télévisions », il est là pour la détruire en interne et à vider l’entreprise France TV de sa substance en transférant tout ou partie de la conception de ses programmes à une autre entreprise, fut-elle sa filiale.

Enfin, son entrée en vigueur «sera désormais effective au 1er Janvier 2022» indique la missive.

Notons au passage que si les deux coauteurs ne mettent pas de majuscules aux Français, ils en mettent un au mois de janvier qui, lui, n’en prend pas…

Sur le fond, la procédure en appel que seul le SNPCA-CGC a initiée près la Cour d’Appel de Paris (l’audience est fixée début décembre – voir ci-dessous) démontrera pleinement que ces gens ont pris leurs désirs pour des réalités aux risque de mettre gravement en danger la santé physique et mentale mais aussi parfois la vie des salariés concernés.

Il aura fallu attendre 5 paragraphes d’une logorrhée trompeuse pour en arriver aux conditions de la manip.

6°) « La signature d’un accord de transition visant à préciser les conditions et mesures d’accompagnement social de ce transfert est proposée aux organisations syndicales et une première réunion de négociation est programmée le 8 octobre prochain. Mais sans attendre, nous souhaitons au travers de ce courrier vous faire connaitre les engagements d’ores et déjà pris par la Direction à votre égard.

Dès le transfert, soit au 1er janvier 2022, vous seront contractuellement garantis, au titre d’avantages individuels définitivement acquis :

– Votre ancienneté, dont vous conserverez l’intégralité acquise – Votre rémunération, dont le montant brut annuel vous sera garanti,

– Votre régime de temps de travail, dont le nombre de jours ou d’heures sera maintenu (et par voie de conséquence, vos droits à congés et RTT)

– Les règles de calcul des indemnités de départ.

Enfin, si vous avez négocié des clauses particulières dans votre contrat de travail, celles-ci seront maintenues »

Invraisemblable. Le duo épistolaire écrit que la loi sera respectée ni plus, ni moins. A un bémol près que ce sont encore, ici, d’énormes mensonges.

Si les conditions d’application de l’article L.1224-1 étaient remplies (ce qui n’est pas le cas, ici), les parties au contrat (salarié / employeur actuel / futur employeur) auraient dû signer une convention qui prévoit le transfert (Il s’agit d’un accord tripartite librement négocié), ce qui n’est pas le cas, non plus.

Venons- en maintenant à la phrase « Les règles de calcul des indemnités de départ » qui en soit et en Droit ne veut rien dire…Les indemnités de départ qu’il s’agisse d’un départ volontaire (RC), de licenciement, de retraite, d’inaptitude…  figurent dans le code du Travail et leurs règles y sont clairement définies a minima sauf accord plus favorable.

Il n’est pas écrit ici « Les règles de calcul des indemnités de départ seront celles de l’accord d’entreprise France Télévisions ! » et pour cause.

Messieurs Sitbon-Gomez et Vion savent pertinemment que ce n’est pas possible car il y aurait alors au sein de France Tv Studio deux catégories de personnels, ce qui est tout aussi ILLÉGAL…ce qu’a du reste confirmé à certains la DRH du groupe.

La Cour de cassation l’a abondamment rappelé.

Exemple :

« En l’espèce, à la suite d’une fusion-absorption, les salariés de l’établissement absorbés se sont vu accorder, par un accord collectif conclu au niveau de l’entreprise absorbante, les conditions de rémunération dont ils jouissaient avant l’opération.

Quelques années après, les salariés d’un autre établissement de l’entreprise en ont réclamé le bénéfice en invoquant une inégalité de traitement qui ne reposait pas, selon eux, sur une raison objective et pertinente.

Une cour d’appel accueille leur demande par application de la jurisprudence classique selon laquelle un accord d’entreprise ne peut prévoir de différences de traitement entre salariés d’établissements différents d’une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence (Cass. soc. 21-1-2009 n° 07-43.452 F-PB ; 28-10-2009 n° 08-40.457 F-PB). « 

Autrement dit, il ne pourra en aucun cas y avoir à France TV Studio des salariés sous le régime de l’accord collectif de l’entreprise France Télévisons SA qui veut s’en séparer et ceux de France TV Studio qui eux dépendent de la Convention Collective de la production audiovisuelle, peu éloignée des dispositions du Code du Travail dans bien des domaines notamment celui des départs.

Pour les mêmes raisons, ils ne pourront plus « bénéficier des activités sociales et culturelles du CI-ORTF » Rappelons que ce sont les CSE qui adhèrent au CIORTF.

7°et 8°)  La conclusion relève aussi de l’enfumage :

Vous êtes inquiets mais faut pas… puisqu’on vous l’dit ! 

« Certains d’entre vous ont exprimé une inquiétude, quant à l’avenir de leur emploi. Ce transfert ne fragilisera en aucun cas votre sécurité de l’emploi. Tout d’abord, la direction n’a aucun projet de remettre en cause la pérennité des émissions sur lesquelles vous travaillez (Elle viré dernièrement en 48 heures, la quasi-totalité des collaborateurs qui travaillaient depuis 8 ans sur le magazine « La Quotidienne », ndlr) Par ailleurs, à l’occasion de ce transfert, la direction s’engage à une garantie d’emploi, c’est-à-dire s’interdit toute possibilité de rupture du contrat de travail pour raison économique. Si une émission venait un jour à être supprimée, France Télévisions Studio vous proposera obligatoirement une solution alternative sur un emploi du même type.

Notre volonté est claire : ce transfert vise à renforcer notre activité de production interne à la consolider et à la renforcer. (Mensonges donc, voir ci-dessus). C’est un choix d’investissement et un choix d’avenir pour le métier qui est le vôtre. (Mensonges encore)Cette volonté se vérifie dans les faits : jamais au cours des dernières années, France Télévisions n’a autant fait le choix de la production interne. (Idem)Avec près de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires par an, France Télévisions Studio est aujourd’hui l’un des principaux producteurs français.  Vous restez au sein du groupe France Télévisions qui est notre maison commune. (Mais vous de dépendrez plus du même accord collectif)»

La CGC Media vous propose de lire l’analyse du Cabinet Ktorza suite à la publication de cet article: