Dans un univers de plus en plus concurrentiel et avec la fermeture de la regrettée France Ô, les chaînes 1ères doivent bénéficier d’un accroissement de leurs moyens afin d’être en capacité de remplir leur mission de chaînes de plein exercice. Le portail des Outre-mer doit apporter une valeur ajoutée aux utilisateurs et permettre aux salariés engagés de déployer toutes leurs compétences.
Le saupoudrage de sujets ultramarins – au nom du pacte de visibilité – dans les programmes nationaux ne saurait suffire. Les publics ultramarins sont composés de citoyens à part entière, en droit de bénéficier de programmes de qualité sur tous les supports.
La diversité des Outre-mer
Avec 9 chaînes présentes dans le réseau des Outre-Mer 1ères, France télévisions a les moyens de déployer un projet ambitieux en matière de représentation de la diversité de notre pays. D’autant que ces chaînes sont engagées depuis longtemps dans ce que l’on nomme aujourd’hui un média global qui mêle télévision, radio et web.
Seulement qu’en est-il réellement de la représentation de cette « France du bout du monde » ? Est-il simplement question d’obligation inscrite dans le cahier des charges de France télévisions, ou va-t-on réellement donner à ces chaînes les moyens de rendre compte à leur public de la réalité de leur quotidien ? Rien n’est moins sûr. Il n’est évidemment pas question de refaire ici l’Histoire mais force est de constater que la « gestion » des Outre-Mer au niveau du Groupe est calquée sur celles de nos politiques publiques. Il est regrettable que l’on en soit encore à parler de pacte de visibilité pour une population qui représente près de 2.5 millions d’habitants, soit l’équivalent des communes (intra-muros) de Marseille, Lyon, Toulouse, Nice et Nantes réunies.
Les départements et Régions français d’Outre-Mer et les collectivités d’Outre-Mer recouvrent des réalités socio-économiques et culturelles différentes, et ont, à ce titre, des besoins différents en matière de programmation. Les antennes ultramarines sont pourtant gérées comme un seul et même bloc, sans considération pour leurs spécificités ni pour le bassin auxquelles elles appartiennent. Grâce aux Outre-Mer, la France a un pied dans chaque grande région du monde : Amérique du Nord, Amérique du Sud, Océanie et Océan Indien, à mi-chemin entre l’Afrique et l’Asie. Cette réalité est une richesse qui doit se voir sur nos antennes.
Un média – qui plus est public – se doit d’être le miroir, le reflet, de la réalité locale où téléspectateur, auditeur, utilisateur doivent se reconnaître et être respectés. La notion de proximité n’est pas une notion galvaudée et vaine, employée de manière normative comme pour être dans l’air du temps, mais une demande de l’audience. C’est à cette seule condition qu’un média rencontrera son public. La fin des captations des événements locaux, notamment sportifs, est un non-sens. Pourrait-on imaginer ne pas diffuser la Coupe de France en Métropole ? Alors pourquoi priver les Outre-Mer de leurs propres événements ?
TV, Radio, web : un média global
La spécificité des Outre-Mer 1ères est d’intégrer la radio et le numérique. Les antennes radio nécessitent de véritables moyens, non calqués sur des normes imposées par le Siège, notamment en termes de qualité sonore.
Les rédactions numériques sont une réalité depuis de nombreuses années, les 1ères n’ont pas attendu le projet de transformation numérique pour investir ce support. Il est temps de passer à la vitesse supérieure en leur permettant de développer des contenus originaux. Le numérique ne peut plus être pensé comme un prolongement des antennes, une sorte de copier-coller de ce qui a déjà été diffusé sur les antennes TV et radios, mais comme un média à part entière. Cela permettrait d’enrichir la plateforme de contenus originaux, d’informations, de services en adéquation avec les réalités locales.
Emploi, précarité et parcours professionnels
Les Outre-Mer connaissent un chômage plus fort qu’en Métropole, avec dans les DOM un taux de 19 à 24 % en moyenne contre 9 % en France métropolitaine(Source Insee 2018). Mayotte est particulièrement impactée avec une population jeune et un taux de chômage qui a bondi de 20 à 35 % en 4 ans. Les opportunités de CDI y sont plus rares que dans l’hexagone, un contexte peu favorable aux salariés non-permanents. C’est pourquoi France Télévisions doit lutter contre la précarisation des statuts. La question de l’emploi mérite une attention particulière en terme de responsabilité sociétale. Bon nombre de CDD, de pigistes sont en attente d’une titularisation ; sont-ils voués à être précaires à vie ?
Cette question de l’emploi implique également une attention particulière sur les parcours professionnels des permanents, afin de mieux identifier et valoriser les compétences de chacune et chacun et en finir avec les promotions basées sur la cooptation ou les fonctionnements claniques.
A cela s’ajoute la lassitude de voir des directeurs se succéder sans connaissance ni affect particulier pour le territoire où ils sont parachutés, souvent le fait d’une simple opportunité professionnelle avant un retour dans la capitale.
Le portail des Outre-mer
Présenté comme une « compensation » à la fin de France ô, le portail des Outre-Mer affiche ses limites. En effet, impossible depuis la France Métropolitaine d’accéder au direct TV, pour des raisons techniques liées à l’opérateur et à la zone de diffusion. A l’heure où le développement du numérique permet de distribuer un contenu personnalisé, cette plateforme se contente d’être un catalogue de contenus des Outre-Mer, sans valeur ajoutée. Il conviendrait de développer la technologie pour permettre à chacune des outre-mer 1ères de toucher son public où qu’il se trouve dans le monde et quels que soient ses centres d’intérêt.
« Chez moi, il n’y a jamais d’emprisonnement dans une identité. L’identité est enracinement. Mais c’est aussi passage. Passage universel. » Aimé Césaire. Entretien, le Courrier de l’Unesco, 1997