C’est ce jeudi 20 décembre que, pour les 5 salariés de France 3 Auvergne – là où le scandale du fichage secret et illicite des salariés de France Télévisions a débuté, le conseil des prud’hommes de Clermont-Ferrand qu’ils avaient saisi victimes « d’une fiche d’appréciation illicite et contraire aux règles relatives à l’entretien annuel d’évaluation » a rendu ses jugements.
Après la récente condamnation par le Tribunal Correctionnel de Paris, du directeur des ressources humaines du réseau France 3 ainsi que celle de la société pour entre autres, recours abusif aux CDD, voici l’aboutissement de plusieurs années de combat (trois ans en tout après les demandes de renvoi de France Télévisions) où les salariés obtiennent gain de cause devant la Justice et font lourdement condamner France Télévisions pour des pratiques reconnues illégales et intolérables dans notre Pays a fortiori au sein d’une entreprise publique.
Mediapart fut à l’époque des faits, l’un des premiers média, non seulement à faire éclater l’affaire, mais aussi et surtout à publier le contenu desdites fiches « montrant que dans les rédactions de France 3 Régions, les managers commentaient secrètement le caractère et les compétences de leurs salariés ».
Un des responsables d’une organisation syndicale absente dans cette procédure disait même:« les critères retenus, les thèmes, la structure même du document sont ultra-dangereux et appellent à des jugement moraux. Ce tri fait froid dans le dos car il se base justement aussi sur des éléments de personnalité, subjectifs et arbitraires. Vu que tout se fait dans le secret, le manager a carte blanche et bénéficie d’une sorte d’impunité ».
La société a donc bel et bien été condamnée hier mais ni la cgt, ni fo n’ont soutenu les cinq demandeurs (2 femmes et 3 hommes) et ont préféré aller dans le sens de la direction.
Le SNPCA-CGC, la CFDT Médias (avant que ses dirigeants ne la quittent pour rejoindre l’UNSA) et SUD Médias aux coté des 5 salariés dans leur lutte et le SNJ pour trois d’entre eux seulement, sont restés les seuls syndicats à s’être mobilisés tout du long jusqu’à cette formidable victoire. (voir ci-dessous)
En tout, France Télévisions a été condamnée à payer plus de 170.000 euros à ces cinq personnes dont faisant l’objet d’une décision exécutoire celle qui a été licenciée « sans cause réelle et sérieuse » avec à l’époque l’aval d’une responsable syndicale du tandem d’absents.
« Pour pouvoir être entendu, j’ai dû le rattraper par la passerelle entre les deux bâtiment. Les portes étaient fermées, il n’y avait aucun témoin. Je connais suffisamment mon rôle pour savoir qu’un recadrage se fait en dehors de tout témoin ».
Extraits du jugement :
« De nombreux témoignages attestent également des faits relatés. Par ailleurs, le mail expédié par Monsieur Kuzy le 29 janvier 2014 adressé au service des ressources humaines Monsieur Cambianica du fait de la saisine de l’intéressé du service RH est édifiant et précis. Il est indiqué… « Pour pouvoir être entendu, j’ai dû le rattraper par la passerelle entre les deux bâtiment. Les portes étaient fermées, il n’y avait aucun témoin. Je connais suffisamment mon rôle pour savoir qu’un recadrage se fait en dehors de tout témoin ».
Alors que le Conseil de la partie défenderesse insistait à la barre sur le fait qu’il n’y avait pas de témoin, le Conseil demandait des précisions à l’un des cinq plaignants présent à l’audience qui confirmait son témoignage en détaillant les faits.
Il n’y a donc pas eu lieu de remettre en cause la moralité de ce témoin et des autres témoignages.
Au vu des éléments produits le Conseil prend acte que France Télévision a manqué à ses obligations en écoutant que les versions de messieurs Kuzy et Forneris sans prendre en compte la souffrance au travail des salariés demandeurs tout comme celle des autres salariés de l’entreprise et en ne répondant pas aux alertes des syndicats de salariés, des représentants du personnel et du CHSCT…
Des certificats en complément des témoignages de plusieurs salariés confirment la dégradation des conditions de travail de la salariée comme des nombreuses pressions et critiques dont elle a fait l’objet de la part, entre autres, de Messieurs Forneris et Kuzy et apportent un éclairage claire à la formation du jugement.
À cela il faut ajouter les rapports des examens réalisés à la demande du médecin du travail qui a suivi la salariée tout au long de la période invalidante qu’elle a eu.
La société France Télévision n’a pas respecté les avis d’aptitude temporaire et les prescriptions attachées temporairement…La conclusion de cette situation a été l’inaptitude de la salariée par le médecin du travail, après qu’elle ait pris attache auprès du docteur psychiatre.
La société défenderesse invoque dans ces conditions les nombreux arrêts de travail de la salariée 3 ans avant la saisine des Prud’hommes. Il ressort de l’analyse de ceux-ci qui est de la dégradation de son état de santé principalement depuis cette période avec une amplification des arrêts de travail.
En conséquence, le conseil juge de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et dit que la salariée a subi un préjudice moral et financier qui doit être réparé… »